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2020/03/21

Épidémie de coronavirus : Témoignage d’une travailleuse de l’industrie aéronautique

Filed under: Témoignage — nantescoronavirus @ 14:50

Source Lutte ouvrière

Une ouvrière de l’aéronautique témoigne de la situation dans son entreprise.

2020/03/20

« Ici on meurt comme des mouches » : Témoignage depuis Bergame

Filed under: Témoignage,Texte d'analyse — nantescoronavirus @ 21:17

Source : Mars.infos.org

Un témoignage d’une habitante de Bergame, en Lombardie, désormais considérée comme épicentre du coronavirus dans le monde, et alors que le pic de contamination semble s’éloigner dans le temps [1]. S’il est proposé ici, c’est que l’on sait que ce qu’il se passe en Italie a un décalage d’une grosse semaine avec ce qu’il se passe en France, pour des mesures semblables et des retards conséquents dans les prises de conscience et de décision. Avoir donc un regard depuis l’intérieur peut peut-être aider à réaliser le caractère sérieux de la situation.

Depuis le ventre de la bête – Considérations énervées sur la gestion du Coronavirus

Je suis de Bergame et je suis malade, probablement du Coronavirus.

Je lis encore des posts dans lesquels sont cités des experts qui cherchent à tranquilliser tout le monde : « 80% de la population sera touchée par le Coronavirus, mais ne nous inquiétons pas trop : pour la grande majorité, ce sera seulement une grippe. La mortalité est basse et concerne principalement les personnes âgées ou présentant des pathologies antérieures ».

Ce 14 mars. Encore ces conneries.

Je ne suis ni scientifique ni statisticienne mais je bous de colère : je suis terrorisée à l’idée qu’en-dehors d’ici, les gens ne comprennent pas ce qu’il se passe. Ici on meurt comme des mouches. C’est assez clair ?

Des dizaines de morts par jour. Des dizaines et des dizaines. Le cimetière de la ville n’arrive pas à gérer tous les corps [2]. Les clochers des villages ne font plus sonner les cloches pour les morts, parce qu’ils devraient le faire sans interruption. Les médecins sont épuisés ou contaminés, et commencent à mourir eux aussi.

Nous sommes tous malades, ou presque. Les trois quarts de mes connaissances sont malades : amis, famille, collègues, et même les médecins traitants des familles.
Nous avons des fièvres très longues et résistantes, très éprouvantes, de fortes douleurs dans certaines parties du corps, des troubles respiratoires, de la toux et des rhumes persistants. Heureusement, pas tout le monde.

Mais cela veut dire qu’on ne peut pas parler de « banale grippe ». Grippe banale mon cul.

Trois semaines de fièvre, fatigue hallucinante, mal à la tête, souffle court, résistance à n’importe quel médicament, le spectre de la thérapie intensive toujours à planer au-dessus de nos têtes comme un corbeau maléfique et, bien sûr, isolement et solitude : ce n’est pas une banale grippe. Et je me sens personnellement très chanceuse.

Les journées se passent en grande partie au téléphone, avec des bulletins médicaux en continu : comment ça va, aujourd’hui un peu mieux, demain un peu pire, comment va papa, tatie, l’ami, l’amie, et toi qu’est-ce que tu as, moi j’ai ça, ah oui plein de gens m’ont dit ça alors tu l’as probablement chopé, ouais je crois bien que je l’ai.

Ici, on est dans l’auto-médication, tout seuls. Quand on a un peu de chance on parvient à avoir quelques indications au téléphone, parce que même nos médecins traitants n’arrivent plus à nous suivre tous.

Les sirènes ne s’arrêtent jamais derrière nos fenêtres, de jour comme de nuit, et même si tu appelles le 112 [NdT : le 15 en France], ils ne peuvent pas te répondre avant un temps indéterminé. Et ils ne t’emmènent à l’hôpital que si tu es déjà dans des conditions graves.

Parce qu’il n’y a pas de place. Parce qu’ils n’arrivent pas à nous soigner. Les tests sont réservés à ceux qui arrivent aux urgences (et aux secrétaires de parti et footballeurs), les autres doivent déduire, imaginer et, dans le doute, s’isoler en quarantaine, ce qui fait que même ceux qui n’ont qu’une « grippe banale » doivent renoncer à la possibilité d’aider ceux qui en ont besoin, leurs parents âgés par exemple.

Effectivement le taux de mortalité de ce virus est faible, oui. Si nous sommes tous malades et qu’il ne meurt « que » des dizaines de personnes par jour, oui, le taux de mortalité est faible. Mais nous sommes tous malades et l’on meurt sans arrêt, continuellement, et en grand nombre.
C’est une tragédie. Grippe banale mon cul.

Effectivement ce sont surtout des personnes qui ne sont pas jeunes qui meurent, et qui avaient d’autres pathologies déjà présentes.
Et alors ?

Les gens qui ont 60-70 ans, qui auraient pu vivre de nombreuses autres années, qu’est-ce que c’est ? Des marchandises périmées dont on n’a plus rien à foutre ? Pas des êtres humains qui laissent des proches et des amours, dans la douleur ?

Bordel de merde, comment est-ce qu’on mesure la vie, là ?
Et c’est moi qui dit ça, alors que je suis irrémédiablement athée, convaincue que la vie n’est pas sacrée et qu’il n’y a de vie que si elle est digne. Mais toutes les vies sont faites d’amour et de liens autour de soi, et de douleur profonde une fois qu’elle manque.

L’Italie est un pays de vieux. Et n’essayez pas de vous foutre de notre gueule : vous ne pouvez pas commencer à nous raconter que nos vieux sont des pièces périmées desquelles on peut se défaire avec légèreté.

NON.

Chacun d’entre nous, ici, connaît quelqu’un qui est entre la vie et la mort en thérapie intensive, nombre d’entre nous ont déjà perdu des membres de leur famille ou sont pendus au téléphone en attente de nouvelles.
Presque 1500 morts en deux semaines [NdT : 2978 quatre jours après l’écriture du texte] et on est là à se dire « tout ira bien », « restons tranquilles » ?
Non, ne restons pas tranquilles.
RESTONS CHEZ NOUS.

Parce qu’ils ne nous ont pas offert d’autres solutions pour gérer ce désastre en cours. Parce que si ailleurs en Italie, les choses se durcissent comme c’est le cas à Bergame, grâce à deux semaines de perdues sans prendre de décision, en décidant un jour qu’on ferme tout et le lendemain « sortez et allez manger une bonne pizza, on n’arrête pas la ville », ce sera une hécatombe bien pire qu’elle ne l’est déjà.

Parce qu’en deux semaines de temps perdu, par incapacité, irresponsabilité, manque de préparation et probablement parce que d’énormes intérêts économiques sont en jeu, NOUS SOMMES TOUS TOMBES MALADES.

A tout le monde : ce qu’il se passe n’est pas une blague : c’est précisément parce que ce n’est pas une grippe banale et précisément parce que des milliers de personnes vont mourir que nous nous préoccupons.
Arrêtez avec ces messages de dissociation, qui tranquillisent en minorant ce qu’il se passe : Stop.

Il faut savoir ce qu’il se passe, vraiment, savoir ce que l’on risque, vraiment, pour pouvoir agir de façon responsable et PRESERVER DES VIES ET BEAUCOUP DE DOULEUR.

Tout en continuant à nous demander s’il n’y avait pas une autre façon de gérer ce désastre, parce qu’il y en avait peut-être une, ou qu’il y en aura une, mais comment faire pour le savoir ? Préoccupons-nous et faisons ça sérieusement : parce que ce n’est que comme ça, en y étant très sensibles, que nous avons la possibilité de faire quelque chose de sensé pour nous et pour les autres : éviter le plus de morts possibles.
Arrêtons de nous voiler la face et disons les choses telles qu’elles sont : inquiétez-vous et restez à la maison.

Et chez vous, lisez, écoutez et posez-vous des questions, en plus de prendre soin de vous et de ceux qui vous sont proches, parce que maintenant l’objectif est de survivre, mais quand ce désastre sera « terminé », et que nous devrons nous relever, nous aurons besoin d’être lucides, très lucides.
Nous devrons comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là, et comment. Penser aux hôpitaux, aux écoles, à nos vieux et à nos jeunes, à notre travail. Nous devrons nous rendre compte qu’il n’est pas possible de démanteler un système sanitaire morceau par morceau pour ensuite mourir par grappes avec des médecins et infirmières qui se tuent à la tâche en risquant leur vie pour tenter de maintenir la nôtre sur pieds.

Que l’on ne peut pas réduire à la misère des milliers « d’auto-entrepreneurs » qui ne vivent que suspendus au bout de leur labeur et qui, lorsque tout se bloque logiquement par peur de la mort, se retrouvent face à un désert d’activité qui durera des mois, peut-être même des années.

Nous devrons comprendre si cette tragédie nous a aidé à nous améliorer ou nous a enfoncé encore plus au fond du gouffre que nous ne l’étions déjà : un peuple complètement déphasé, qui voit le même jour d’un côté une armée de personnes sous-payées en blouse blanche qui s’épuise au travail et risque la contamination et de l’autre, A QUELQUES METRES OU UN PETIT KILOMETRE DE DISTANCE, des bancs de jem’enfoutistes qui se compriment dans les queues pour monter sur les télésièges, pour se balader dans le centre historique ou pour essayer des vêtements dans les centres commerciaux (laissés ouverts, ultra ouverts, alors que les écoles et événements culturels étaient déjà tous fermés et annulés depuis bien longtemps).

S’il y a des jem’enfoutistes, c’est un problème qui nous appartient à tous. Si les hôpitaux n’ont plus de lits, c’est un problème qui nous appartient à tous. Si des centaines de personnes meurent et que ça nous semble presque normal parce que « ce sont des vieux ou des gens qui ont d’autres pathologies », c’est un problème qui nous appartient à tous, et c’est un gros problème.

Les choses ne vont pas bien du tout et « tout n’ira pas bien ».
Ce n’est que si nous nous en rendons comptes, mais vraiment, que nous pourrons limiter les dégâts et que nous pourrons en faire quelque chose de différent lorsque l’on en sortira.
Parce qu’on en sortira, et qu’il ne faudra faire aucune concession à ce moment-là.

Notes :

[1« La région Lombardie épicentre du monde » sur le Manifesto (en italien).

[2« Ici, on meurt comme des mouches » sur le site du Manifesto (en italien).

PS :

Traduit du FB de Sara Agostinelli.

Confinement, 6e jour.

Filed under: Témoignage — nantescoronavirus @ 20:32

Ce texte est en cours de rédaction, je vais sans doute le modifier encore un peu.

J’ai commencé à me confiner samedi soir. Au moment où le gouvernement a recommandé à tout le monde de rester chez soi. Je suis anarchiste, j’ai pas beaucoup de respect pour l’État. Mais vu la situation, la mesure de confinement m’a paru une bonne chose pour limiter l’épidémie.

Je n’ai pas spécialement peur de l’épidémie, mais j’ai envie d’essayer de chercher l’intelligence collective. Je suis resté confiné, chez moi, avec un ami que j’héberge parce qu’il n’a pas de logement en ce moment. Le raisonnement que je me suis fait, c’est que le délai d’incubation est en moyenne de 6 jours, 15 jours au max. Si on suit un confinement strict pendant une ou deux semaines, on peut voir si on a des symptômes ou pas, et si on n’en a pas on peut sortir avec un risque très limité de contaminer d’autres personnes.

Quand j’ai entendu Macron, j’ai cru que c’était ça l’idée. Que seul.e.s les gens qui bossent à l’hôpital ou sont indispensable à ce qu’on puisse bouffer puissent aller travailler.

Lundi, le copain qui vit avec moi est parti dans le Morbihan pour chercher un appart, puis il est passé embrasser ses parents.

Moi j’ai voulu aller acheter du pain. La boulangerie était fermé, j’ai été jusqu’à la supérette à trente mètres de chez moi, mais quand j’ai vu qu’il y avait plein de monde à l’intérieur, j’ai fait demi-tour et je suis rentré sans pain. A quoi sa sert que je reste confiner 95% du temps, et que le reste du temps, j’aille dans des endroits avec pleins de gens ? Finalement, j’avais pas tant besoin de pain que ça.

Mon ami est rentré du Morbihan et nous avons eu une discussion sur les règles sanitaires que nous voulions mettre en place. Si on habite ensemble, il faut qu’on se mette d’accord sur les règles parce que si on fait pas les mêmes, ça ne sert à rien. Moi je voulais essayer de limiter complètement les contacts avec des personnes de l’extérieur mais ne pas prendre de précautions particulières entre nous. Lui proposait de quand même prendre des précautions pour ne pas se contaminer l’un l’autre. Par exemple, dormir dans des espaces séparés, et garder une écharpe devant la bouche. Je trouve ça assez contraignant, mais on décide de faire ça.

J’ai l’habitude de passer beaucoup de temps chez moi, mais quand on peut pas sortir, ça fait pas le même effet. J’ai vraiment l’impression de tourner en ronds. J’ai l’habitude de passer voir ma voisine presque tous les jours. Depuis le confinement, je ne le fais plus.

Mercredi soir, après quatre jours de confinement, j’ai fait ma première sortie. La deuxième si on compte la sortie pain avorté (5 min). Il était tard et il n’y avait pratiquement personne dans les rues. J’ai pas fait d’attestation. Je suis prêts à faire des efforts pour gérer la crise sanitaire, mais pas pour les délires totalitaires de l’Etat. Et puis je comprends pas qu’est ce que ça fait comme risque de marcher seul dans des rues désertes. En revanche, se faire contrôler par des flics qui ne portent pas de masques, je trouve ça dangereux et irresponsables. Si je vois des flics, je les laisserai pas s’approcher à moins de trois mètres.

J’ai croisé d’autres passant.e.s. On faisait attention de pas s’approcher à moins de 3 mètres. Après quatre jours enfermé, j’avais trop soif de contact humain, j’ai eu quelques discutions chouettes à trois mètres de distance. Je suis resté plusieurs heures dehors. Quand je dis que j’ai croisé d’autres personnes, c’étaient les trois seules personnes à se promener la nuit. C’était vraiment désert. Quel mal y-a t’il à ça ? Et si je cause avec des inconnu.e.s, pourquoi je donnerais pas rdv à des potes pour discuter un peu avec ?

Peut-être que dans certaines villes, il y a trop de gens dans la rue et que les gens sont trop serrés. Dans ce cas là, ok, il faut sans doute restreindre ses déplacements, mais quand il n’y a personne ? Le risque de contamination viens principalement de flics qui pourraient venir me contrôler.

Là où j’ai eu l’impression d’être vraiment une bonne poire, c’est quand j’ai appris que beaucoup d’entreprises continuent à tourner. Sur le site de la préfecture de Loire-Atlantique, c’est écrit les chantiers et les travaux publiques doivent continuer. Des entreprises de vêtements ou de produits chimiques continuent de tourner avec parfois des milliers de personnes qui bossent dans les mêmes ateliers. A Nantes, une amie m’a dit avoir vu les contrôleurs de la Tan dans le tram. Airbus annonce la reprise du travail lundi 23, après avoir mis en place des mesures sanitaires.

Ou est la logique ? Pourquoi je peux pas aller mater une série tv chez ma voisine alors que des très grosses entreprises continuent à tourner ? Je suis pas capable de mettre en place des mesures sanitaires ? Qu’est ce que je fais depuis dimanche ? On ne peut pas d’un coté nous demander d’être responsable et de l’autre nous infantiliser.

Ça fait trois mois que l’épidémie a commencé. Trois mois que des « experts » craignent la pandémie mondiale. Pourquoi le trafic aérien n’a pas été arrêté ? On a laissé les riches faire du tourisme et des voyages d’affaires pendant trois mois. Aujourd’hui, le virus est partout. Et l’Europe ferme ses frontières. C’est trop tard ! Ca sert plus à rien maintenant. Si l’Etat n’était pas aussi respectueux des bourgeois.e.s qui veulent parcourir le monde, on serait pas tou.te.s obligé.e.s de rester enfermer chez soi. Et maintenant, on est bien obligé de le faire. Mais si une grosse partie de la population continue à travailler, ça sert à rien, et je pourrais tout aussi bien aller boire un coup chez ma voisine.

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